Une avancée majeure dans la lutte
contre la maladie du sommeil
Par Els Torreele, Chef de projet, DNDi
Le manque de traitements appropriés pour lutter contre la maladie du sommeil est au coeur de la mission de DNDi. Tout au long du XXe siècle, les épidémies de maladie du sommeil ont dévasté la population de zones rurales et à haut risque à travers toute l’Afrique subsaharienne et contribué à accroître encore leur pauvreté. Une étude récente en République démocratique du Congo (RDC) a mis en évidence que le coût de la trypanosomiase pour un foyer congolais touché équivaut à 5 fois ses revenus mensuels.
À son stade avancé, quand les parasites franchissent la barrière céphalo-méningée et envahissent le système nerveux central du patient, la THA peut provoquer des troubles du sommeil, d’où son appellation courante. Mais, contrairement à ce que son nom usuel suggère, la THA n’est pas une maladie bénigne. Un malade au 2e stade souffre de nombreux désordres neurologiques allant des tremblements et hallucinations au coma. Et sans traitement, l’issue est toujours fatale.
Tous les traitements existants contre la THA en stade 2 connaissent d’importantes limites (voir encadré en page 3). Durant des années, il n’a existé qu’un seul traitement pour les patients au stade avancé : le mélarsoprol. Dérivé de l’arsenic, il s’avère mortel dans 1 cas sur 20. De plus, son efficacité ne cesse de décroître avec des taux d’échec thérapeutique atteignant jusqu’à 50 % selon les régions. L’éflornithine constitue une meilleure alternative de traitement mais son mode d’administration est compliqué et elle reste peu utilisée. Elle requiert 56 perfusions intraveineuses, lentes, pendant 14 jours consécutifs. L’éflornithine est disponible grâce à un programme de donations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). Mais l’addition des coûts d’achat, de stockage et de transport, tant du médicament lui-même que du matériel médical associé, représente un obstacle majeur à son utilisation dans les zones reculées où la maladie du sommeil sévit. De plus, le risque est réel que des résistances à ce médicament trypanostatique se développent. En conclusion, l’éflornithine utilisée en monothérapie ne représente pas non plus une solution idéale.

NECT en bref

En comparaison avec l'éflornithine en monothérapie, la combinaison thérapeutique NECT comprend les avantages suivants :
> Le nombre de perfusions d'éflornithine passe de 56 à 14, donc :
. Moins contraignant pour le personnel médical
. Moins de risques d'infections
. Plus commode pour le patient
> La durée du traitement passe de 14 à 10 jours, donc :
. Moins onéreux pour les systèmes de santé disposant de peu de moyens
. Plus de capacité d'accueil dans les centres de soins
. Plus commode pour le patient
> Le nombre de perfusions quotidiennes passe de 4 (toutes les 6 heures) à 2 (toutes les 12 heures), donc :
. Moins contraignant pour le personnel médical
. Plus commode pour le patient
> Les contraintes logistiques sont réduites :
. Les poids et volumes sont divisés par quatre (transport moins coûteux)
. Les kits de soins sont plus petits et contiennent 4 soins complets au lieu de 2
> Des résistances au traitement ont moins de chances de se développer vu que les deux médicaments agissent différemment et se protégeront probablement mutuellement.

Il est donc urgent que de nouveaux et traitements soient mis au point. Ces dernières années, DNDi a fait d’importants progrès dans l’élaboration d’un portefeuille de projets de recherche, tels que ceux relatifs aux nitroimidazoles, au fexinidazole ou les programmes d’optimisation de molécules candidates contre la THA. Mais le développement de nouveaux médicaments reste un processus long et complexe et il faudra encore quelques années avant que ces innovations puissent bénéficier aux patients. Dans l’intervalle, il est donc crucial d’améliorer sans tarder les options de traitements sur la base des médicaments existants. C’est dans cet esprit que DNDi a voulu s’associer aux efforts novateurs d’Epicentre et de Médecins Sans Frontières (MSF) visant à évaluer des combinaisons médicamenteuses comme alternatives thérapeutiques.
L’étude de la combinaison thérapeutique de nifurtimox et d’éflornithine (NECT) est l’un des rares essais cliniques contrôlés et randomisés ayant abouti dans le domaine de la THA et ce, en conformité avec les standards internationaux de bonnes pratiques cliniques (BPC) tel qu’a pu le vérifier un audit indépendant. Et pourtant, le manque d’infrastructures médicales, les faibles capacités de recherche clinique, l’instabilité politique et l’éloignement de la population étudiée constituaient des obstacles importants à la réussite de l’étude, sans compter les 18 mois de suivi post-thérapeutique nécessaires à la vérification de l’efficacité du traitement.
Un tel projet n’aurait pu être mené à bien sans l’engagement de nombreux partenaires : Epicentre et MSF – qui ont initiés l’étude et l’ont menée à bien dans deux des quatre centres de recherche ; les programmes nationaux de lutte contre la THA en RDC et en République du Congo – ils ont accueilli respectivement un et trois sites d’étude ; l’Institut Tropical Suisse (ITS) qui a mené l’étude sur deux sites et s’est assuré du respect des standards internationaux ; les investigateurs locaux et le personnel de santé qui ont établi les diagnostics, administré les traitements et suivi les patients durant les 5 années de l’étude. Il faut encore mentionner la contribution de tous ceux qui ont participé aux travaux de réhabilitation des centres de soins et des laboratoires, à la formation du personnel, aux activités de supervision ainsi qu’au support logistique continu.
Ensemble nous avons démontré de manière scientifique que le traitement NECT est bien toléré et efficace. Ces données vont maintenant être soumises à l’OMS pour que le nifurtimox, en utilisation combinée avec l’éflornithine, puisse être inclus dans la liste des médicaments essentiels.


Pour éviter les chevauchements et combler les lacunes, il est important que les efforts de recherche s’opèrent en synergie. C’est là un des rôles de la Plateforme THA qui vise à renforcer les capacités régionales de recherche clinique et constitue un forum pour apprendre et échanger entre les programmes nationaux des pays endémiques. Par ailleurs, d’autres essais cliniques de l’association thérapeutique NECT sont actuellement en cours en Ouganda, bénéficiant du soutien du Programme spécial UNICEF/ PNUD/Banque mondiale/OMS de recherche et de formation concernant les maladies tropicales (TDR). Ces nouvelles données devraient venir renforcer les résultats de la première étude NECT en RDC et en République du Congo.

Pour que les patients puissent bénéficier le plus rapidement possible du nouveau traitement combiné, les partenaires doivent maintenant agir de concert, chacun dans son rôle respectif : les firmes pharmaceutiques sanofi-aventis et Bayer pour les donations de médicaments ; l’OMS pour la coordination de ces dons, la préparation de kits de traitements en collaboration avec les services logistiques de MSF et le conseil aux pays endémiques ; les programmes nationaux de lutte contre la THA et les organisations non gouvernementales pour adopter et utiliser le nouveau traitement.
L’adoption de la combinaison thérapeutique de nifurtimox et d’éflornithine sera une amélioration concrète et significative pour les patients. Néanmoins il ne s’agit là que d’un premier pas sur la longue route menant à un traitement mieux adapté pour soigner la maladie du sommeil. Un périple dans lequel nous sommes tous embarqués.
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