EDITORIAL
Relever les défis de la maladie du sommeil
Simon Croft
Directeur R&D DNDi
La lutte contre la maladie du sommeil, ou trypanosomiase humaine africaine (THA), est engagée sur deux fronts. Le premier front est celui des parasites responsables : Trypanosoma brucei gambiense (en Afrique Centrale et de l’Ouest) et Trypanosoma brucei rhodesiense (en Afrique de l’Est). La publication en juillet 2005 du génome de ces parasites dans la revue Science, a ouvert la voie à d’importantes avancées dans la compréhension de la structure et du fonctionnement de ces agents pathogènes. Un article récent1 de l’équipe de Sara Melville de l’Université de Cambridge (Royaume-Uni) indique que jusqu’à 75 % de certains chromosomes de T. brucei comportent des gènes dont le rôle est de déjouer les défenses immunitaires de l’organisme parasité, confirmant ainsi une fois encore que les vaccins contre cette maladie ne sont pas encore une réalité. Un second article2 de l’équipe de Paul Englund de l’Université Johns Hopkins (USA) a utilisé le génome pour identifier les enzymes qui synthétisent les acides gras du parasite, et soulève ainsi la question de l’utilisation de cette découverte comme cible potentielle pour un nouveau médicament.

Le second front est celui de la maladie elle-même. Ses mécanismes immuno-pathologiques sont élucidés petit à petit, mais il reste encore de nombreuses questions en suspens : comment le parasite pénètre-t-il dans le système nerveux central (SNC) pour provoquer le stade 2 de la maladie ; comment savoir quand la maladie passe du stade hémolymphatique (stade 1) à l’infection du SNC (stade 2) ; comment est la barrière hémato-méningée (couche serrée de cellules qui séparent le sang des neurones, protégeant en même temps le cerveau des toxines) pendant l’infection ; est-ce qu’elle devient perméable ? Il ne s’agit là que de quelques exemples des lacunes dans nos connaissances que nous considérons importantes pour le développement de nouveaux traitements plus performants contre la THA, et qui nous permettraient d’abandonner les dérivés arsenicaux et d’autres médicaments problématiques.

DNDi participe actuellement à un effort important de recherche clinique sur la maladie du sommeil au stade 2 (cf. étude NECT). Si ces travaux aboutissent, une association thérapeutique simplifiée d’eflornithine et de nifurtimox pourrait remplacer dans de nombreux endroits le mélarsoprol plus toxique comme traitement de première ligne, et serait plus facile à utiliser que l’eflornithine en monothérapie. Bien qu’elle constitue une amélioration, cette option thérapeutique n’apportera pas le changement radical nécessaire pour contrôler efficacement la maladie du sommeil et améliorer l’accès aux médicaments pour les patients négligés. Pour cela, de nouvelles découvertes au niveau de la recherche sont nécessaires.

Pour développer de nouveaux médicaments, DNDi a choisi une approche multiple. Il faut définir les besoins et le profil du produit cible (cf. Rob Don, DNDi Newsletter 12), et ensuite identifier des pharmacophores actifs et totalement neufs (composés capables de tuer le trypanosome mais pas les cellules des mammifères) en exploitant les données moléculaires récentes, en s’appuyant sur le potentiel de composés connus pour leur activité contre ces parasites. Il reste toutefois des obstacles à surmonter. Pour en citer trois, il faut élargir les partenariats pour accélérer la mise au point de médicaments ; renforcer les capacités d’étude cliniques dans les régions où la THA est endémique et disposer de meilleurs outils diagnostiques pour faire une évaluation complète des nouveaux médicaments dans les études cliniques. DNDi ne pouvant pas répondre seul à toutes ces demandes, cherche constamment à créer des partenariats avec d’autres organisations pour que les patients bénéficient de nouveaux traitements abordables et efficaces.

1. Callejas et al. Genome Res. 2006;16:1109-18.
2. Lee et al. Cell. 2006;126:691-9.
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